Charte pour le prix de la paix de la ville d'Ypres
A la recherche de la paix éternelle
Toute guerre a une fin, tôt ou tard, mais la paix qui s'ensuit n'est malheureusement pas toujours durable. Parfois, les traités de paix ne sont que l'amorce d'une guerre future. L'exemple le plus dramatique est sans aucun doute le traité de Versailles. Les vainqueurs de la première guerre mondiale ont tant humilié l'Allemagne vaincue qu'ils ont semé les graines de la seconde guerre mondiale. L'arrêt des hostilités sur le champ de bataille ne suffit pas à garantir la paix.
Dans sa quête de la paix éternelle, l'humanité a emprunté au moins quatre chemins différents, qui sont tantôt parallèles les uns aux autres ou qui se croisent de temps en temps, mais qui doivent de toute façon tous mener à une situation où le recours à la violence de grande envergure, à la violence organisée, est devenu impensable et où il est satisfait aux exigences élémentaires de la dignité humaine. Ces quatre méthodes sont le bannissement de la guerre elle-même en tant qu'instrument de politique internationale, la destruction du matériel de guerre, l'élimination des causes de la guerre et la création d'un climat propice au maintien de la paix.
Toute personne ou organisation qui s'est distinguée par son mérite extraordinaire dans un ou plusieurs de ces domaines entre en ligne de compte pour l'attribution du Prix de la paix de la ville d'Ypres, cette ville du Westhoek qui a si atrocement souffert des horreurs de la première guerre mondiale.
Faire la guerre à la guerre
Les alliés ont mené la première guerre mondiale, du moins selon la formule monnayée par H.G. Wells en 1914, en vue de mettre fin à la guerre. Mais même dans cette guerre contre la guerre, d'innombrables soldats ont perdu la vie. Pas loin d'Ypres, au cimetière militaire allemand de Vladslo, se trouve le magnifique et profondément touchant groupe statuaire de Käthe Kollwitz, les Parents affligés. Elle réalisa cette sculpture en hommage à son fils Peter, soldat volontaire tombé au champ d'honneur lors de la bataille de l'Yser en 1914. En 1924, Käthe Kollwitz créa le poster qui devint plus tard si célèbre, baptisé Nie wieder Krieg. Elle traduisait ainsi avec beaucoup de force le sentiment que beaucoup éprouvaient après la première guerre mondiale : plus jamais ça. L'aversion profonde ressentie à l'égard des massacres de la guerre des tranchées fit naître partout en Europe des mouvements Plus jamais ça.
Ce mouvement Plus jamais ça connut son apogée avec la signature du fameux pacte Kellogg-Briand en 1928. En s'engageant dans les liens de ce pacte, un nombre considérable de pays renonçaient à la guerre comme instrument de politique internationale. La faiblesse du pacte ne résidait pas dans l'idéalisme des pays signataires, mais plutôt dans le refus, de la part des pays avides de revanche, d'extension territoriale et de domination idéologique, de signer le pacte. La seconde guerre mondiale vint précisément démontrer qu'en renonçant soi-même à la guerre, on se rendait vulnérable aux agressions intentionnelles d'autres pays. Le bannissement de la guerre par les gens et les pays de bonne volonté ne suffit pas à maintenir la paix.
Après 1945, l'interdiction de l'agression internationale fut fixée dans la Charte des Nations Unies. À l'article 51 est formulé l'idéal d'un système de sécurité collective. La communauté internationale garantit la sécurité, et donc la paix, en s'engageant à venir en aide à tout pays victime d'une agression, immédiatement, et si nécessaire par le biais d'une intervention armée. Plus cette garantie est crédible, plus elle sera de nature à dissuader un agresseur potentiel et plus le risque de guerre s'en trouvera diminué.
Mais un tel système de sécurité collective ne peut fonctionner que si au moins trois conditions sont remplies.
Tout d'abord, la paix dans le monde doit être considérée comme un ensemble indivisible et la défense de la paix doit être conçue comme une responsabilité mondiale qui dépasse les frontières nationales et régionales ainsi que les intérêts privés. C'est sur la base d'un tel sentiment mondial de responsabilité que peut se développer la volonté de s'engager à rétablir la paix dans les régions belligérantes, même si l'on vit soi-même dans la paix et la prospérité et même si cet engagement fait courir d'importants risques personnels. En refusant, dans un cas extrême, de faire intervenir contre les agresseurs une force de maintien de la paix, les gens et les pays de bonne volonté laissent le champ libre à l'agression. Le bannissement de la guerre nous place ainsi devant de cruels dilemmes.
Enfin, le bannissement de la guerre requiert la création d'institutions et de mécanismes en vue du changement et de la résolution pacifique des conflits. Il s'agit du développement du droit international, des systèmes de jurisprudence et d'arbitrage internationaux et des possibilités d'intervention en cas de menace de conflits. Bref, le bannissement de la guerre comme instrument de politique internationale exige davantage que des déclarations solennelles consignées dans des traités internationaux. Il s'agit d'un processus mondial de conscientisation, de la volonté de résister collectivement à l'agression et du développement de mécanismes en vue du changement et de la résolution pacifique des conflits. Toutes les personnes ou organisations qui se sont distinguées par leur mérite extraordinaire dans un ou plusieurs de ces domaines entrent en ligne de compte pour l'attribution du Prix de la paix de la ville d'Ypres.
Die Waffen Nieder
Le 22 avril 1915, les troupes allemandes firent pour la première fois usage, dans les environs immédiats d'Ypres, de gaz asphyxiants à grande échelle, en dépit des traités internationaux interdisant l'usage de ces armes. Cet exemple illustre la difficulté de la lutte pour le désarmement, qu'elle soit bilatérale ou unilatérale, générale ou spécifiquement axée sur certaines catégories d'armes. Au dix-neuvième siècle, l'important mouvement pacifiste militait déjà pour le désarmement général, notamment sous l'égide de la baronne Bertha von Suttner. Son roman « Die Waffen Nieder » écrit en 1889, dans lequel elle dépeint les horreurs du champ de bataille en se basant sur des rapports écrits par des médecins militaires et par la Croix-Rouge, était un plaidoyer enflammé contre la guerre. Selon la baronne de Suttner, la guerre était une institution barbare qui devait être éliminée de notre société par la force de la civilisation.
Depuis la première conférence pour la paix qui s'est tenue à La Haye en 1899, la lutte pour le désarmement général et bilatéral se trouve à l'ordre du jour de la politique internationale. Cette conférence avait été organisée à l'initiative du tsar Nicolas II. Le tsar avait été très impressionné par l'ouvrage de Jan Bloch sur l'avenir de la guerre (« La Guerre Future »), dans lequel ce dernier expliquait que la technologie d'armement moderne ne rendrait pas la guerre impossible, mais que son pouvoir dévastateur en ferait au contraire une entreprise quasiment suicidaire. Les champs de bataille de la première guerre mondiale prouvèrent à quel point Bloch avait raison. Inspiré par Jan Bloch, Nicolas II exhorta les grandes puissances à instituer la conférence pour la paix de La Haye. Mais ses intentions de réduire le développement de l'armement suscitèrent la méfiance. Le tsar n'appelait-il pas au désarmement tout simplement parce que l'empire russe n'était pas en mesure de faire face à la concurrence des autres grandes puissances ? L'instrument politique du désarmement ne servait-il pas à renforcer l'intérêt national, plutôt qu'à contribuer à pacifier le monde ? C'est cette méfiance réciproque qui, en dépit de toutes les conférences, manifestations et pétitions, rend si difficile la concrétisation du désarmement général.
Au fil du temps, les efforts accomplis pour bannir ou réduire les systèmes d'armement spécifiques, comme les armes chimiques, bactériologiques et même nucléaires, furent plus fructueux. Lorsque les gouvernements estiment que l'équilibre militaire général ne court aucun danger, ils sont disposés à bannir des types d'armes spécifiques. Parfois, la réaction de l'opinion publique peut être déterminante dans cette lutte, comme l'a montré l'action menée contre les mines terrestres.
Lorsque la méfiance et l'hostilité entre les pays diminue, la conclusion d'accords de désarmement devient plus aisée. De nombreuses conventions de désarmement furent conclues immédiatement après la fin de la guerre froide. A côté du traité INF sur la limitation en Europe des missiles nucléaires à moyenne portée (appelés missiles de croisière) signé en 1987, le traité CFE de 1990, qui réduisait dans des proportions considérables le nombre de tanks, de pièces d'artillerie et d'avions en Europe, fut l'un des résultats les plus spectaculaires dans le domaine du désarmement. Des milliers de tanks furent littéralement jetés à la ferraille.
L'humanité s'est perfectionnée dans la fabrication d'armes de plus en plus meurtrières, de sorte que notre monde peut aujourd'hui être anéanti en quelques instants. Il est évident que l'attention du public est focalisée sur ces armes (nucléaires) de destruction de masse. Il y a néanmoins un paradoxe angoissant: depuis 1945, des millions de gens ont été exterminés, précisément avec des armes relativement primitives. Comme le contrôle de la production et du commerce de ces armes - les armes à feu portatives - semble encore difficile, une action du public serait la bienvenue, par exemple une action qui se baserait sur le modèle de celle entreprise contre les mines terrestres et permettrait de réaliser de bons résultats dans ce domaine également. Jusqu'ici, les intérêts économiques des producteurs et des commerçants, qui bénéficient souvent de l'appui politique de leur gouvernement, forment toutefois un obstacle considérable à une telle évolution. Mais il faut également prêter attention à la demande. Le plus tragique, c'est que c'est précisément en Afrique - continent conflictuel s'il en est - que le métier de soldat est souvent la seule possibilité pour les jeunes d'assurer leur subsistance. Une perspective prometteuse est celle des programmes qui proposent des formations professionnelles à des jeunes qui doivent en échange déposer leurs armes, ces dernières étant ensuite détruites.
Toute personne ou organisation qui s'est distinguée par son mérite extraordinaire dans un ou plusieurs de ces domaines entre en ligne de compte pour l'attribution du Prix de la paix de la ville d'Ypres.
La guerre ou la paix comme la "Grande Illusion"
à la veille de la première guerre mondiale, Norman Angell écrivait son livre à succès intitulé "The Great Illusion". Dans cet ouvrage, il disait que l'idée que la guerre pouvait être profitable était une illusion. Du fait de la dépendance accrue entre les états, la guerre ne pourrait qu'avoir des conséquences désastreuses pour tous les pays impliqués, et c'est pourquoi Angell espérait, comme de nombreux autres optimistes et rationalistes du dix-neuvième siècle, que les hommes politiques ne se prononceraient plus en faveur de la guerre.
Avant 1914, la France et l'Allemagne étaient l'un pour l'autre des partenaires commerciaux de la première importance et tous les pays capitalistes étaient associés au sein d'un réseau monétaire et financier basé sur l'étalon or. Ce qui n'a pas empêché la première guerre mondiale d'éclater. Autrement dit, l'interdépendance économique en elle-même n'est pas une garantie de paix. L'enchevêtrement économique exige de pouvoir exercer l'effet pacificateur tant désiré au sein d'un accord de coopération politique à l'échelle internationale. C'était là la combinaison géniale du plan Schuman du 9 mai 1950, mis au point par Jean Monnet: un marché commun du charbon et de l'acier placé sous la surveillance d'un organe supranational. Cette réalisation servit de base à l'intégration européenne.
D'une manière plus générale, on peut affirmer que pour éviter que la paix demeure une illusion, il faut s'atteler activement à l'élimination des causes de la guerre, comme l'oppression et les inégalités économiques, et réaliser les conditions nécessaires à la paix, entre autres la coopération internationale et l'organisation. Une attention particulière doit être accordée au soutien des mouvements de démocratisation et à la sauvegarde des droits de l'homme. En janvier 1941, le président américain Roosevelt soulignait dans son discours intitulé "Four Freedoms Speech" que la liberté était la suprématie des droits de l'homme partout dans le monde. Il témoignait son soutien à tous ceux qui luttaient pour la conquête et la préservation de ces droits. La particularité des Four Freedoms dont Roosevelt parlait résidait dans la combinaison des libertés classiques (liberté d'expression et de culte, absence de discrimination basée sur l'ethnie ou la race) et des droits socio-économiques (disparition de la crainte de la pauvreté et du manque), mais surtout dans la manière dont il soulignait que le fait de ne pas craindre la guerre et la violence était une condition essentielle pour jouir des droits de l'homme. Le lien entre la lutte pour la liberté, les droits de l'homme et la paix était ainsi révélé.
Il n'est pas un état qui ne se soit pas officiellement converti au principe des droits de l'homme. Cependant, ceux-ci sont malheureusement loin d'être respectés partout. Il y a toujours des individus courageux qui s'adressent à leur état de manière pacifique pour les exhorter à respecter les droits de l'homme, une notion formelle, souvent restée lettre morte. C'est justement en exerçant leurs droits de l'homme de manière pacifique, ni plus ni moins, en "vivant dans la vérité", pour citer le dissident tchèque Vaclav Havel, fondateur de Charta 77, qu'ils parviennent à mettre en mauvaise posture les gouvernements qui violent ces droits. L'exemple qu'ils donnent met également dans l'embarras les citoyens qui se résignent par la force des choses. Sans parler des politiques qui refusent, pour des raisons politiques ou économiques ou seulement par lâcheté, de soutenir les militants des droits de l'homme.
Les militants des droits de l'homme se retrouvent souvent dans un triple isolement, menacés par leur gouvernement, invectivés par leurs concitoyens et abandonnés par le monde extérieur. L'appel de Roosevelt pour soutenir leur cause a une signification éternelle. Nous avons le devoir de leur apporter notre soutien, et c'est un devoir sacré. Toutes ces personnes, mais aussi toutes les autres qui contribuent à créer des conditions idéales pour la paix, entrent en considération pour l'attribution du Prix de la paix de la ville d'Ypres.
Réconciliation, pardon et miséricorde
Pas loin d'Ypres, près de la place Mesen, se trouve le Island of Ireland Peace park, réalisé en hommage aux Irlandais catholiques et protestants qui ont, ensemble, marché sur l'ennemi commun le 7 juin 1917. En 1998, des jeunes catholiques et protestants ont collaboré à la réalisation de ce Parc de la Paix dans le cadre du projet A Journey of Reconciliation. Dans ce souvenir commun des horreurs de la première guerre mondiale, ils ont puisé la force de mettre fin à leur propre guerre à Belfast et Derry.
La guerre suscite des émotions violentes et éveille des sentiments de haine et de vengeance. La paix sous-entend la rupture du cercle vicieux de la vengeance et des représailles. Tant que l'injustice subie justifie que l'on commette des injustices envers les autres, l'humanité reste enfermée dans le piège de la guerre et de la violence. La réconciliation des ennemis d'hier exige la reconnaissance des horreurs commises en temps de guerre - et non leur dénégation - et la prise de conscience que l'on ne peut vaincre les atrocités du passé qu'en travaillant à un avenir commun. La décision de certains membres du clergé catholique d'instaurer la Pax Christi à la fin de la seconde guerre mondiale reposait sur la réconciliation entre la France et l'Allemagne. La réconciliation est également à la base de toutes ces initiatives grassroots dans les Balkans, qui tentent de rétablir les fondements d'une société multiculturelle et démocratique sur les ruines du nationalisme et de la purification ethnique.
La réconciliation des ennemis d'hier est un processus extrêmement complexe, qui le devient encore davantage à mesure que le conflit se prolonge et que le nombre de victimes augmente. Les dirigeants qui osent miser sur la réconciliation sont des politiques exemplaires: citons ici le président égyptien Anwar Sadat qui se rend en Israël pour lancer le processus de paix et le chancelier ouest-allemand Willy Brandt qui s'incline devant le monument érigé à Varsovie en hommage aux victimes de la seconde guerre mondiale. Celui qui a contemplé les nécropoles de Verdun sait combien il est extraordinaire que ce soit justement à cet endroit que François Mitterand et Helmut Kohl se sont recueillis main dans la main pour rendre hommage aux victimes de trois guerres destructrices.
La réconciliation des ennemis d'hier ne peut pas être basée sur l'impunité des crimes commis. Les tribunaux internationaux, mais aussi les procédures nationales, jouent un rôle crucial sous ce rapport. Toutefois, il ne peut jamais s'agir d'une vengeance aveugle, mais bien d'une purification des relations, sur la base de laquelle on pourra bâtir un nouvel avenir commun. C'est probablement le côté le plus complexe dans la relation entre les (anciens) oppresseurs et opprimés. L'exemple de l'Afrique du Sud est incontournable. Après la fin du régime de l'apartheid, il fallait trouver une issue pour réconcilier la majorité et la minorité, de manière à pouvoir envisager un avenir commun. La vengeance des Noirs sur leurs oppresseurs blancs aurait été malvenue, le refus de reconnaître les horreurs de l'apartheid également. Sous la direction de l'archevêque Desmond Tutu fut créée l'institution de la Commission de la vérité. Celui qui reconnaissait publiquement ses crimes devant cette commission pouvait collaborer, sans être châtié, à l'avenir d'une Afrique du Sud multiculturelle. Pour ceux qui considèrent que le crime doit toujours entraîner un châtiment, cette solution n'est pas satisfaisante. Toutefois, cette miséricorde est peut-être la seule possibilité de garantir un avenir pacifique dans un pays si profondément déchiré.
Peuvent prétendre au Prix de la paix de la ville d'Ypres, tous ceux qui se sont efforcés de lutter contre les sentiments de haine et de vengeance entre les (anciens) ennemis et de construire les fondements d'une coopération pacifique basée sur la réconciliation, le pardon et la miséricorde.
Le Prix de la paix de la ville d'Ypres: vivre dans la paix, pour la paix
Rudyart Kipling, le poète nationaliste qui perdit son fils unique dans la bataille de Loos en 1915, se fait l'interprète, dans une sévère autocritique, des millions de soldats qui ont péri avec son fils:
"If any question why we died,
Tell them, because our fathers lied."
Le vieux mensonge des anciens consistait à dire qu'il était doux et honorable de mourir pour la patrie. Dans son magnifique poème intitulé Dulce et decorum est, évoqué au Flanders Field Museum à Ypres, Wilfred Owen, qui tomba au champ d'honneur tout juste une semaine avant l'Armistice de 1918, nous somme de ne plus jamais raconter ces vieux mensonges:
"My friend, you would not tell with such high zest
To children ardent for some desperate glory,
The old Lie: Dulce et decorum est Pro patria mori."
Puisse le Prix de la paix de la ville d'Ypres contribuer à ce que nos enfants vivent non seulement dans la paix, mais aussi pour la paix.
Prof. Dr. Koen Koch, de l'université de Leiden,
au nom du Comité de sélection pour le Prix de la paix de la ville d'Ypres 2002